jeudi 31 mai 2012

Après le livre

« L’histoire de la peinture regorge de représentations de l’atelier du peintre. L’atelier de l’auteur, c’est son site Web. » François Bon, Après le livre, Éditions du Seuil, 2011, p. 213.

Pour François Bon, écrivain engagé dans l’avancée des technologies numériques, nous sommes déjà à l’époque d’après le livre. Pour lui, ce que change Internet, ce n’est pas le rapport au livre, c’est le rapport au monde. Les nouvelles technologies ont une influence sur notre manière de lire, d’écrire, d’interagir avec notre environnement. Nous sommes actuellement dans une période de transition. Le livre papier et le livre numérique coexistent, mais pas pour longtemps. Dix ans, quinze ans peut-être… « Ce qui s’amorce est tout aussi irréversible et total que les précédentes mutations de l’écrit, et des usages et formes de lecture que chacune a initiés. » (p. 270)

Cette mutation irréversible vers ce qu’on appelle la dématérialisation affecte même la trace des écrits que nous laissons. Les brouillons, les archives n’existent déjà plus en version papier. Les supports utilisés actuellement pour enregistrer ces contenus seront-ils illisibles demain ? N’ayant plus de trace manuscrite ou tapuscrite, le site Internet devient archive vivante.

Pour François Bon, le numérique favorise le regain des formes brèves dont le haïku, le fragment, mais aussi l’apparition d’autres formes dont l’existence même est tributaire de la technologie, comme le message Twitter ou le billet de blogue. Plus besoin de faire long comme Proust ou Balzac, quand les récits ou les poèmes s’inventent « selon l’ergonomie neuve de nos formes de lecture » (p. 31). L’écrivain d’aujourd’hui est un blogueur ou un édimestre. Un concepteur de contenus Web. Quand François Bon nous dit que « le centre de gravité de l’œuvre Web, c’est le Web lui-même » (p. 259), ne nous dit-il pas autrement ce que Marshall McLuhan disait en 1964 : le médium est le message ?

Après le livre est un recueil de textes de réflexion parus, depuis 2010, dans le site de l’auteur. François Bon anime plusieurs plateformes numériques, dont www.tierslivre.net et la coopérative d’édition numérique www.publie.net Il nous propose, dans ses chroniques visionnaires, un aperçu fort stimulant des mutations déjà à l’œuvre. À lire, dans l’ordre ou le désordre.

mercredi 16 mai 2012

Matin de mai





matin de mai
un lièvre sur la plage
écoute la mer

dans Laisse de mer, Éditions du Glaciel, 2009.
                                                 Photo : Roger Joannette

vendredi 11 mai 2012

Haïku - Cet autre monde

Richard Wright (1908-1960), journaliste et écrivain, est est le premier écrivain afro-étatsunien à avoir écrit un roman à succès. Petit-fils d’esclave, Richard Nathaniel Wright voit le jour à Natchez, au Mississipi. Ségrégation raciale, enfance difficile, pauvreté, petits boulots, puis journalisme. Il publie en 1938 un recueil de nouvelles, Uncle Tom’s Children (Les enfants de l’oncle Tom), puis en 1940, Native Son (Un enfant du pays), son roman le plus connu. C’est un succès fulgurant : en trois semaines, 215 000 exemplaires sont vendus et l’ouvrage intègre la sélection du Book of the Month Club. En 1945, il publie Black Boy (Black Boy : jeunesse noire) qui raconte son enfance. D’autres romans et récits suivront. En 1946, pour échapper aux poursuites du gouvernement contre les communistes au moment du maccarthysme, il se réfugie en France avec sa famille. En 1947, il prend la nationalité française et s’engage, par la suite, dans la lutte pour l’indépendance des colonies françaises. Il meurt d’une crise cardiaque en 1960, à Paris, à l’âge de 52 ans.

Richard Wright découvre le haïku durant la dernière année de sa vie, en 1959, en lisant les quatre tomes de R. H. Blyth, Haïku. C’est le coup de foudre. Il écrit tous les jours et produit 4000 haïkus qu’il conserve dans un cahier qu’il garde sur lui. Ses thèmes de prédilection : son enfance difficile, la condition des Noirs, l’agonie, la mort, la nostalgie. Il en sélectionne 817 qu’il envoie à son éditeur. Ils sont refusés. Il faudra attendre 1998 pour qu’ils soient publiés en anglais.

Des noirs aux gros balais
Nettoient les rues enneigées,
Absorbés par les flocons.

La lame d’un couteau
Sanglant, léchée par un chat;
On tue le cochon.

Dans la cuisine
Une plume entraîne son ombre
Sur le riz qui bout.

Revenant des bois,
Le taureau a du lilas
Qui pend à une corne.

Juste assez de neige
Pour que l’on prête attention
Aux rues familières.

Mes hôtes partis,
L’âtre est plein de cendres blanches –
Quelle solitude.

Sur mon pantalon
Encor quelques poils du chat
Mort depuis longtemps.

Quelle solitude…
La neige a réduit le monde
À la taille de ma cour.

Référence : Wright, Richard. Haïku, cet autre monde. Paris, La Table ronde, 2009. Traduction et postface de Patrick Blanche.

samedi 5 mai 2012

Haïku prémonitoire?



dans la rue
devant les forces antiémeutes
les manifestants


Tiré de Fil de presse, Éditions du Glaciel, 2008.

Un haïku écrit il y a quelques années, toujours d’actualité.