samedi 22 décembre 2012

Un grand maître du haïku : Shiki

Masaoka Shiki (1867-1902) est écrivain et journaliste. Auteur prolifique, on lui attribue l’écriture de 25 000 haïkus. Shiki est vu comme un réformateur et le père du haïku moderne. Comme le dit si bien William J. Higginson, Shiki est « le dernier des grands maîtres et le premier poète de haïku moderne ». Il modernise entre autres les termes employés. Sous sa plume, le hokku devient haïku, le waka devient tanka. Influencé par la culture occidentale, Shiki met de l’avant l’importance de reproduire la réalité avec objectivité. C’est lui qui introduit le concept du croquis sur le vif dans le haïku. Ses haïkus se distinguent souvent par leur mélancolie, en raison notamment de sa santé précaire. En effet, il souffre de tuberculose une grande partie de sa vie. Il en meurt prématurément à 35 ans.

En dix ans, il fait paraître une étude critique de la poésie de Bashô, il fonde la revue littéraire Hototogisu et publie ses propres haïkus. La qualité et le sérieux de ses publications exercent une influence majeure sur toute la poésie japonaise du XXe siècle. En effet, dans le domaine du haïku, on distingue souvent l’époque pré-Shiki et post-Shiki, ce qui en dit long sur le renouveau qu’il a apporté à cette forme poétique.

Sur le sable du rivage
à chaque trace de pas
le printemps s’allonge

Un sachet de simples
sur mon lit de malade –
le printemps renaît

Nuit brève –
combien de jours
encore à vivre?

Solitude –
après le feu d’artifice
une étoile filante

J’ai tué une araignée –
solitude
de la nuit froide                       

La nuit est sans fin –
je pense
à ce qui viendra dans dix mille ans

Dites-leur bien
que j’étais un mangeur de kakis
aimant les haikus!

À sa mort, son ami haïkiste, Natsume Sôseki écrira :

Sur le cercueil
jeter un chrysanthème –
rien d’autre à faire

On peut lire 55 haïkus de Shiki dans le site Haiku Spirit :

Dans son poème Hommages, Tomas Tranströmer parle de certains écrivains qui l’ont sans doute marqué. Il écrit ceci :

La fenêtre ouverte s’est arrêtée ici
face aux cimes des arbres
et aux lettres d’adieu du ciel crépusculaire.

Shiki, Björling et Ungaretti
c’est écrit à la craie de la vie sur le tableau noir de la
mort.
Ce poème entièrement possible.

Je regardai en l’air lorsque les branches s’agitèrent.
Des mouettes blanches mangeaient des cerises noires.

Source : Tomas Tranströmer, Baltiques, Paris, Gallimard, 2004, p. 120.

Pour aller plus loin : William J. Higginson with Penny Harter, The Haiku Handbook. Tokyo, Kodansha International, 1985. 331 p.
Corinne Atlan et Zéno Bianu, Haïku. Anthologie du poème court japonais. Paris, Gallimard, 2002.
Source photo : Wikipédia

dimanche 16 décembre 2012

Déjà l'hiver




les grelots
du verglas dans les arbres
musique de Noël


dans Hivernité, Éditions du Glaciel, 2010, p. 8.


Photo : © Louise Vachon

dimanche 2 décembre 2012

Bashô

Bashô (1644-1694), né Kinsaku Matsuo et connu plus tard sous le nom de Munefusa Matsuo, est reconnu comme l’un des quatre grands maîtres incontestés du haïku, avec Issa, Shiki et Buson. Sans entrer dans tous les détails, on sait qu’il est issu d’une famille de guerriers gentilhommes (bushi) et qu’il s’intéresse à la poésie dès l’adolescence. Plus tard, il fondera une école de haïku, L’Ermitage au bananier, ce qui lui vaudra son surnom de Bashô (bananier). Il vivra une vie simple, entouré de ses disciples littéraires qui partagent avec lui sa passion.

Bashô est connu, à son époque, davantage comme un maître du renga ou renku, une suite de poèmes liés (haïkus, tankas) composés par plusieurs personnes, et également pour ses haïbuns, un mélange de prose et de haïkus, qu’il utilise dans ses journaux de voyage. D’ailleurs, dans le renga, le premier poème de cet enchaînement est nommé « hokku ». C’est ce premier poème qui deviendra « haïku » à l’époque Meiji et pourra être considéré comme indépendant de toute suite poétique.

Bashô est influencé par les poètes chinois de la dynastie T’ang, en particulier Tu Fu, Li Po et Po Chü-i. Bashô admire également les tankas de Saigyô (1118-1190) et les rengas de Iio Sôgi (1421-1502). Tous ces poètes ont une esthétique d’austérité. Ils écrivent souvent sur la solitude, quelquefois en y intégrant une touche d’humour et d’ironie. Quelques haïkus de Bashô :

vieil étang
une grenouille saute
le bruit de l’eau (1686)

Viens
allons voir la neige
jusqu’à nous ensevelir!

Nuit d’été –
le bruit de mes socques
fait vibrer le silence

Au fond de la jarre
sous la lune d’été
une pieuvre rêve

Ah coucou!
agrandis encore
ma solitude

Les cigales vont mourir –
mais leur cri
n’en dit rien

Dans le goût mordant du radis
je sens
le vent d’automne

Pour poursuivre la réflexion : William J. Higginson with Penny Harter, The Haiku Handbook. Tokyo, Kodansha International, 1985. 331 p.
Corinne Atlan et Zéno Bianu, Haïku. Anthologie du poème court japonais. Paris, Gallimard, 2002.
Hervé Collet et Cheng Wing Fun, Bashô, maître de haïku. Paris, Albin Michel, 2011.
Illustration tirée de : École de Basho, L’imperméable de paille du singe. Adaptation de Georges Friedenkraft et Majima Haruki. Association française de haïku, 2011.