mercredi 13 février 2013

Février

derrière moi
un bruit de pas
l'écho de mes raquettes
 
tiré de Hivernité, Éditions du Glaciel, 2010.
 
Photo © Roger Joannette


dimanche 3 février 2013

Chiyo-ni


On parle volontiers des « auteurs » classiques de haïku. Plusieurs femmes ont également écrit. On en parle encore trop peu dans l’histoire du haïku japonais. L’une de ces auteures est, sans contredit Chiyo-ni (1703-1775), peintre et poète. Elle mène, semble-t-il, une vie assez autonome pour l’époque, faite de voyages et de rencontres poétiques. Elle est l’élève de Shiko Kagami, disciple de Bashô. Femme d’une grande beauté, un poète compose ce haïku pour elle :

ne fais pas tomber le voyageur
de son cheval
belle herbe

Elle travaille une grande partie de sa vie dans le commerce familial de calligraphie et de peinture. Elle délaisse toutefois le commerce, à l’âge de cinquante ans, et devient nonne. La poésie devient son art de vivre. La voie spirituelle et la démarche artistique se confondent chez elle. Elle publie deux recueils de haïkus. En français, on peut lire Chiyo-ni – bonzesse au jardin nu, aux éditions Moundarren, 2005.

le rouge à lèvres
ma bouche a oublié
ah! l'eau de la source


 

le son de la cloche du soir
immobilisé dans le ciel
les cerisier en fleurs

 

nuit de neige
seul le son du seau

descendant dans le puits

 

fraîcheur!
le bas de ma robe soulevé par le vent
dans le bosquet de bambous

 

l'eau limpide
ni dedans
ni dehors

le vent qui passe les disperse
les rassemble
les pluviers

première neige
ce que j'écris s'efface
ce que j'écris s'efface

dans la rue derrière
des ronflements épanouis
nuit de pleine lune

adieu
fleur du monde flottant
fleur de coquelicot

pluie de printemps
toute chose
embellit

le liseron
au seau du puits s’est enroulé
à mon voisin je vais quémander de l’eau

interrompant mon rêve
le chrysanthème sur le tatami
vient d’éclore

On peut remarquer, chez Chiyo-ni, des haïkus de la nouvelle année :

d’une coupe de saké épicé du nouvel an
jusqu’à une autre coupe
premier plaisir de l’année

voilée, dévoilée
montagne après montagne
première brume de l’année

batifolent les grues
jusque dans le ciel
premier soleil de l’année

Le dernier haïku qu’elle écrira de sa main est celui-ci :

l'eau est limpide et fraîche
les lucioles s'éteignent
rien d'autre

Elle dicte ce dernier poème avant de mourir :

j'aurai vu la lune aussi
à ce monde
adieu

Pour lire des haïkus de Chiyo-ni, voir le site de Nekojita.
Source illustration : Wikipédia