samedi 13 juillet 2013

Le haïku selon Michel Onfray






Michel Onfray, philosophe et écrivain, a publié, en juin 2013, sur son site, une chronique sur le haïku intitulée L’épiphanie du réel.  Michel Onfray nous invite à la découverte du haïku, exercice de connaissance du monde, qui immobilise ce qui fuit, cherche à retenir le temps et qui, au fond, s’incline devant l’éphémère et la fugacité du monde. À lire. En voici un extrait :

Le haïku dit pour n’avoir plus à dire, il manifeste pour laisser une trace qui s’estompe et disparaît – comme le réel. Il saisit le diamant du réel et l’efface pour n’obtenir qu’une mémoire bientôt évaporée elle aussi de ce qui a été dit. Les mallarméens commencent par la fin et font disparaître le réel au profit du verbe ; les auteurs de haïkus commencent par le début, ils saisissent le réel dans l’une de ses manifestations et utilisent le verbe au profit des images qui génèrent la sensation enfuie. Ils présentifient la disparition, ils actualisent la fugacité, ils fixent le mouvement, ils nomment l’éphémère, ils montrent l’à peine visible.
Cette poésie suppose des livres qui n’éloignent pas du monde, mais y ramènent. L’occident a intercalé des bibliothèques entre nous et le monde. De sorte qu’on n’est moins soucieux de dire le monde que de dire les livres qui disent le monde. Les recueils de haïkus sont des livres qui effacent les livres et les transforment en voie d’accès au monde oublié par trop de livres. Les dévots du verbe ont oublié le monde ; les sages du monde congédient le verbe – avec un verbe qui va s’évaporer comme la rosée. Le haïku est l’ultime parole avant le silence.