mercredi 31 octobre 2012

dimanche 21 octobre 2012

Issa

Kobayashi Issa (1763-1828) est considéré comme l’un des quatre grands maîtres du haïku traditionnel japonais avec Bashô, Buson et Shiki. La vie d’Issa est marquée par une suite de malheurs personnels, entre autres la mort de sa mère lorsqu’il est très jeune, et la pauvreté. Il se marie trois fois. Il a quatre enfants de sa première femme qui mourront tous en bas âge. Après le décès de sa femme, il se remarie, mais ce deuxième mariage ne dure que quelques mois. Il aura une fille avec sa troisième épouse, qu’il ne connaîtra pas puisqu’il meurt avant sa naissance.

Il a écrit environ 20 000 haïkus. Son style particulier se distingue par une tendance à l’autoportrait et, profondément humain, Issa fait intervenir ses sentiments personnels, ce qui contraste avec les règles officielles du haïku. Joie, colère, ironie, tristesse, sont exprimés souvent dans des dialogues imaginaires avec les fourmis, libellules, papillons, oiseaux, etc.

Oiseaux de passage,
ne vous querellez pas en volant
frères faits pour vous entraider.

Autour de ma cabane
les grenouilles rabâchent –
tu vieillis tu vieillis

Venez avec moi
pour jouer,
moineaux qui n’avez plus de parents.

Être là,
tout simplement,
au milieu de la neige qui tombe.

Ne possédant rien
comme mon cœur est léger
comme l’air est frais

Même mon ombre
est en pleine forme
premier matin de printemps

Seul
prenant mon repas
le vent d'automne

Papillon qui bats des ailes
je suis comme toi –
poussière d’être!

Être rien qu’en vie
à l’ombre des cerisiers
cela est miracle

On peut s’abonner au haïku du jour d’Issa sur Twitter (en anglais).

Source : Anthologie de la poésie japonaise classique, Paris, Gallimard, 1971.
Corinne Atlan et Zéno Bianu, Haïku. Anthologie du poème court japonais. Paris, Gallimard, 2002.

samedi 6 octobre 2012

Lire le haïku

marées d’automne
rejetés sur la grève
les concombres de mer

tiré de Laisse de mer, Éditions du Glaciel, 2009.

Contrairement aux formes conventionnelles de poésie, le haïku ne doit pas chercher à faire joli, à produire un effet, mais à révéler le réel tel qu’il est. Le lecteur de haïku demeure dans l’ici et maintenant, il accueille ce qu’il lit sans jugement, tout en demeurant attentif à ses perceptions sensorielles pour recréer en lui-même ce que le haïkiste a vécu. Certains y voient là des rapprochements à faire avec la méditation zen, puisque, semblable à la méditation orientale, le lecteur doit laisser tomber ses jugements, ses a priori, ses idées préconçues.

Le haïku ne renferme aucun sens caché, aucune signification symbolique. Le lecteur doit arriver à recréer en lui l’atmosphère qui a présidé chez l’auteur à la création du haïku. La lecture à haute voix est parfois une aide précieuse.

Dans le cas du haïku qui nous occupe, celui-ci a été écrit lors d’une promenade, à marée basse, en bordure de l’estuaire du Saint-Laurent. Phénomène inhabituel, la grève était jonchée de concombres de mer. Le concombre de mer (Cucumaria frondosa) est un animal qui vit sur les fonds marins, parfois jusqu’à 350 mètres de profondeur, et qu’on ne voit pas à la surface de l’eau. Pour en trouver sur le rivage, on peut soupçonner qu’il y ait eu une force peu commune pour brasser les concombres de mer au point qu’ils soient éjectés de l’eau. Après lecture, la construction mentale qui se crée chez le lecteur sera probablement en lien avec le mauvais temps associé à l’automne, la force des marées qui rejettent, détruisent, et finalement laissent présager l’hiver et ses tempêtes.