mercredi 18 décembre 2019

Accueillir ce qui est nouveau


Pour stimuler sa créativité, l’écriture de haïkus est souvent vue, chez certains auteurs, comme une entrée en matière, une façon d’être présent au monde. Lire et écrire des haïkus aurait des effets antistress, au même titre que la méditation de pleine conscience. Cela permettrait ainsi d’oublier son ego, de se recentrer et surtout, d’accueillir ce qui est nouveau, d’accueillir le mouvement, le changement. Les auteurs anciens de haïkus ont donné l’exemple avec leurs haïkus de la nouvelle année, considérée alors comme une saison à part entière. 
                                                           
matin du premier jour
dans le poêle
quelques braises de l’an passé
(Katô Gyôdai, 1732-1792)

fête du Nouvel An
j’aimerais la célébrer dans la capitale
avec un ami 
(Matsuo Bashô, 1644-1694)

Jour de l’An
rien de bon ni de mauvais –
seulement des êtres humains
(Masaoka Shiki, 1867-1902)

Premier jour de l’année
le maître du haïkaï
a un petit air satisfait
(Yosa Buson, 1716-1783)

Un jour de nouvel an différent des autres
comme je suis bien
avec mon vieux tatami
(Tan Taigi, 1709-1771)


Au-delà des modes, le haïku nous aide sans doute à voir autrement, à développer une vision dénuée de tout jugement, à être plus sensible aux humains et à tout ce qui vit, à s’ancrer dans le moment présent. Éloge de la simplicité par opposition à la surconsommation qui règne en maître dans le monde actuel, le haïku nous permet de capter la beauté de l’ici et maintenant, ce moment unique d’émerveillement où l’on revient à l’essentiel. 


© Louise Vachon
Illustration : Andô, Hiroshige (1797-1858), 1832. The New York Public Library Digital Collections, Japanese Prints. 

lundi 1 avril 2019

Photo et haïku - une rencontre poétique éphémère




après-midi d’hiver
le plaisir de la raquette
mes pas dans les tiens



© Photo : Roger Joannette





La photographie est « pré-texte », disent certains auteurs, représentation du réel, saisie de l’instant, récit d’un moment, souvenir, mémoire. Tout cela.

Le haïku aussi, à sa manière.

La photo renvoie à une histoire à reconstruire pour celui qui regarde l’image. Lorsqu’un haïku est présent, on cherche ainsi à créer un lien qui n’existait pas à l’origine, bien que le texte ne soit pas purement descriptif de la photo. On remarque, la plupart du temps, le haïku inscrit directement sur la photo. En ce sens, cette façon de faire est celle des haïgas, qui marient dessin, peinture ou estampe et calligraphie japonaise. En ce qui me concerne, le haïku n’est jamais écrit sur la photo choisie pour l’accompagner. Image et poésie ne sont ensemble que le temps d’un instant. Après, ils sont libres de reprendre leur route.

Pour moi, la photo qui intègre l’écriture dans un même cadre, comble des besoins bien précis : publicité, pages-titres de journaux et de magazines, pages Web, médias sociaux, cartes postales, etc. En revanche, dans les magazines spécialisés de photographie artistique ou documentaire, ou encore en photojournalisme, jamais on ne voit d’image sur laquelle on y a inscrit un texte. C’est ainsi que la photographie et le haïku doivent rester libres.

La principale raison est que l’œil ne décode pas l’image de la même façon si un message y est inscrit. Dans ce cas, l’œil est attiré par l’image mais, en balayant la surface, l’œil est distrait par les mots, il sort du cadre –  encore davantage si le message est inscrit au bas ou dans un coin de la photo –  ce qui amoindrit le message transmis, quelle que soit la qualité de l’écriture ou de la photo. 

De plus, comme nous sommes deux personnes (photographe et poète de haïku/tanka) qui produisons dans chacun notre domaine, il y aurait risque de confusion en associant définitivement texte et image. La jonction de la photo et du haïku ouvre plutôt la voie à d’autres associations de poèmes et d’images. Ainsi, ces œuvres de création profitent pleinement de leur liberté et sont appréciés séparément, mais aussi ensemble dans une rencontre poétique éphémère.

-----
Texte publié dans Gong # 63, Revue francophone de haïku, avril-juin 2019, p. 8.

jeudi 17 janvier 2019

Premier haïku

J’ai déjà raconté, dans Paroles du Japon, qui reprend le titre du livre de Hugues Malineau, comment j’ai eu le coup de foudre pour le haïku, en 2000. J’ai lu, par la suite, plusieurs livres concernant le haïku et également les écrits de plusieurs auteurs, de toutes nationalités, que j’ai découverts, entre autres, sur le site HAIKU & CO, puis Haïku sans frontières, d’André Duhaime. Évidemment, comme le dit si bien Roland Barthes, « Le haïku a cette propriété quelque peu fantasmagorique, que l’on s’imagine toujours pouvoir en faire soi-même facilement. » Tout en découvrant le haïku, mes premiers essais, le 10 juin 2000. En voici un, inédit :


plaintif et solitaire
le chant de la tourterelle
l’appel de l’été

J’ai aussi le souvenir du premier triparshva (renkuprésentant des règles particulières) bilingue auquel j’ai participé, en 2005-2006, avec le Britannique John Carley (1955-2014) comme sabakite ou meneur de jeu. Les autres participantes étaient Janick Belleau, Monique Parent et Danyelle Morin, Micheline Beaudry étant invitée à produire une intervention.

Ce renku a été produit par échanges de courriels. À tour de rôle, nous écrivions trois haïkus et le groupe choisissait le haïku final. Je me souviens d’avoir proposé, comme première participation :

sur ma table de travail
l’agenda
ouvert à la première page

Nous étions un premier janvier. Mon agenda m’attendait et commençait à se remplir, mais la première page était un jour férié, exempt de contraintes et de rendez-vous. Jardin d’hiver / Winter Garden a, par la suite, été publié dans la revue Gong d’octobre 2006 et dans le journal en ligne Simply Haiku, en anglais et en français au printemps 2007.


Paru dans Gong, Revue francophone de haïku #60, juillet-septembre 2018, p. 16.

Image : Hara, Asa no Fuji, Hiroshige, 1832. 
Source : The New York Public Library Digital Collection