Un lecteur m’écrit, me proposant un de
ses haïkus où il est question d’un gardien de parc qui souffle sur une
coccinelle posée sur un tract. Il me demande si c’est un haïku et, si oui,
est-ce que c’est un « bon » haïku ? Le haïku que vous proposez – oui, c’en
est un – forme une phrase complète. Sujet, verbe,
complément. Le haïku se présente quelquefois ainsi, bien que, selon les règles
officielles, le haïku comporte ce qu’on appelle, en japonais, un kigo, ou « mot de
saison » - la coccinelle ici en est
un, elle évoque l’été (nous y reviendrons) – et surtout, une césure ou kireji. Qu’est-ce qu’un kireji ? La césure est
une pause qui sert à donner une tournure particulière au haïku et le fait
évoluer. Le kireji au Japon désigne
un mot, ya ou kana, et il existe plusieurs kireji
aux significations particulières en versification japonaise. En français, on
peut toujours utiliser des mots ou des onomatopées (ah !, oh !, déjà,
etc.) qui font un peu artificiel mais qui se justifient parfois. Le haïku
occidental étant disposé sur trois lignes, il est commun de privilégier un
moment de pause entre deux vers et le troisième, soit après la 1re
ligne ou après la 2e, comme si les deux segments étaient séparés du
troisième par une virgule ou un point. Puisqu’en haïku, selon les règles
officielles, on ne doit pas utiliser d’émotions, ni être purement descriptif,
la césure est un moyen de regarder d’un autre angle, de suggérer une
signification particulière au haïku. L’art du haïku nous fait prendre
conscience de ce qu’il y a de beau, d’insolite, de vrai, d’extraordinaire même,
dans la vie de tous les jours. Que remarquez-vous d’un événement
ordinaire ? Transcrivez-le, sans émotion explicite, mais avec les mots qui
feront surgir cette émotion chez le lecteur. Voilà le « bon » haïku. Voici un haïku qui illustre la césure
après le 2e segment :
Sur une branche morte
Les corbeaux se sont perchés (césure ici)
Soir d’automne.
(Bashô)
Comment s’initier au haïku ?
D’abord, lorsque le genre nous intéresse, il faut en lire le plus possible. Et
puis, selon notre tempérament, si on désire échanger sur le sujet et confronter
nos créations, des groupes d’échange existent un peu partout, dont les membres
se rencontrent périodiquement. Des groupes existent aussi dans la
sphère Internet et sur les médias sociaux où il y a également partage des
écrits des participants. Depuis quelques années, le mois de février est un mois
de création et de partage de haïkus dans Internet : c’est le Mois national
d’écriture de haïkus, le NaHaiWriMo (National Haiku Writing Month).
En français, les haïkistes sont invités sur Facebook à partager un
haïku par jour pendant tout le mois de février.