samedi 23 avril 2011

Paroles du Japon

Dans la revue littéraire Gong, numéro 31 (avril-juin 2011), le thème : Pourquoi ? Comment en sont-ils venus à écrire des haïkus ? Plusieurs poètes de haïku prennent la parole. Voici mon texte :

Tout commence par un livre à la couverture parsemée d’éventails emprunté distraitement à la bibliothèque.

Peut-être est-ce l’effet d’une exploitation différente du langage, du mystère d’un Orient à découvrir, des réminiscences de lectures aimées. Je suis touchée par cette poésie de l’instant présent. Tout respire la sérénité.

Le saule
peint le vent
sans pinceau
                   Saryû

Le livre est illustré d’estampes qui s’harmonisent parfaitement aux haïkus. Je suis émue par les bleus outremer de Hiroshige, les roses chair, les verts printaniers, les petites touches d’Hokusai peignant le Fuji-Yama ou la grande vague à Kanagawa. Ravie d’apprendre par la suite les influences des maîtres de l’estampe japonaise sur le mouvement impressionniste.

En tournant les pages, je suis fascinée par cet art de vivre où l’existence même du poète, nous dit Jean-Hugues Malineau[1] devient œuvre d’art. Par cette réalisation dans le geste d’écriture de la fusion entre l’instant présent et le monde réel.

Délice
de traverser la rivière d’été
sandales en main !
                            Buson

Chaque élément du monde, chaque plante, chaque insecte est sacré. Chaque fragment de l’œuvre est appartenance au monde réel. Il ne faut pas faire beau, mais être vrai.

C’est décidé
je vais de ce pas m’enrhumer
pour voir la neige
                   Sampû

Le haïku dit aussi avec humour le quotidien, la joie de vivre. Avec légèreté les petits bonheurs, la profondeur.

Même mon ombre
est en pleine forme
premier matin de printemps
                            Issa
Car celui qui n’a rien, celui qui vit aussi intensément le moment présent, a tout et rien ne peut lui être enlevé.

Ne possédant rien
comme mon cœur est léger
comme l’air est frais
                            Issa

Un moment de lecture qui se transforme en passion. Car on n’a jamais fini de découvrir l’esprit du haïku. Le livre refermé, on se laisse aller à savourer la plénitude de l’instant. Une image et quelques mots. Tout est dit.

Moi aussi, je participe désormais à cette alchimie du cœur et de la conscience. À cette création d’instantanés qui capturent jalousement ce qui s’en va du temps.
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[1] Jean-Hugues Malineau, Paroles du Japon. Paris, Albin-Michel, Coll. Carnets de sagesse, 1997.


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