mercredi 25 avril 2012

Les mots d'Eugène Guillevic

« les mots, les mots
ne se laissent pas faire
et toute langue est étrangère »

Guillevic, L’art poétique

Un autre poète français qui s’est laissé séduire par le haïku : Eugène Guillevic (1907-1997). Sa poésie est proche de la nature. Elle tient souvent de la réflexion philosophique et se caractérise par sa concision. Son style est, en général, laconique, simple, épuré. La métaphore n’est pas, pour lui, l’essence du poème. La porte est grande ouverte pour le haïku, pourrait-on croire. Et pourtant, la métaphore est parfois bien présente :

Le jeu du soleil
Sur le tronc du chêne,
Le temps d’un bonheur.

Si un jour tu vois
Qu'une pierre te sourit,
Iras-tu le dire ?

J'ai réussi à mettre
un peu d'ordre en moi-même,
je commence à me plaire…

Je suis allé trop loin
Avec mon souci d'ordre.
Rien ne peut plus entrer.

Au moins, tu sais, toi
Océan, qu'il est inutile
De rêver ta fin

Sur chaque chose
En pleine lumière
Le goût du secret

Source : Terebess Asia Online pour lire d’autres poèmes de Guillevic.

Merci!
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2 commentaires:

  1. Chère Louise
    sans doute connais-tu cette référence :

    « Guillevic
    Vivre en poésie ou l'épopée du réel »
    Le Temps des Cerises, éditeurs, 2007

    « Vivre en poésie ? Alors que j’étais adolescent, je me promenais dans une grande forêt, en Alsace, à Ferrette, en compagnie d’un ami de mon âge – quinze ans, peut-être. Du haut d’une falaise jurassienne, nous regardions la plaine. Il y avait devant nous ce qui se photographie. Il y avait autre chose aussi. Quoi ? Un tremblement, un appel au dépassement de ce que la photographie aurait retenu. L’un de nous deux a dit : l’éternité. C’était vague, et nous avons voulu préciser. Qu’est-ce qui pourrait nous donner la sensation intellectuelle et physique de l’éternité ? Qu’est-ce qui pourrait situer concrètement ce paysage dans un prolongement – concret, lui aussi – qui serait l’immensité de l’espace et surtout celle du temps ? Ce que nous avons trouvé de mieux a été d’imaginer qu’une fois par siècle, un oiseau viendrait prendre dans son bec quelque chose de cette plaine – mieux, il viendrait enlever un grain de sable d’une plage aussi longue qu’était immense cette plaine. Cette fiction nous a, semble-t-il, fait voir cette plaine, cette falaise, ces forêts, nous-mêmes, au niveau qui était le nôtre, le vrai. Et cette image m’a accompagné toute ma vie. Je la crois contraire à la notion d’éternité parce que, dans l’éternité, rien ne passe, c’est l’instant permanent. Mais qu’importe ! C’est cela que j’appellerai vivre en poésie : prolonger le réel non pas par du fantastique, du merveilleux, des images paradisiaques, mais en essayant de vivre le concret dans sa vraie dimension, vivre le quotidien dans ce qu’on peut appeler – peut-être – l’épopée du réel. »

    Entretien avec Lucie Albertini et Alain Vircondelet

    http://letempsdescerises.net/

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    1. Merci Francis pour cette belle citation. Une belle réflexion sur l'univers de la poésie.

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