mercredi 21 septembre 2011

Haïkus de guerre

Au début du XXe siècle, dans la foulée du japonisme*, il n’y a pas eu que Julien Vocance à s’être approprié le haïku pour décrire l’horreur de la Première Guerre mondiale. D’autres poètes, tels Georges Sabiron (1882-1918), décédé au combat, Maurice Gobin et Maurice Betz (1898-1946) ont, eux aussi, parlé de la guerre dans leurs haïkus :

Trou d'obus où cinq cadavres
Unis par les pieds rayonnent,
Lugubre étoile de mer.
Georges Sabiron - 1918.

Un trou d'obus
Dans son eau
A gardé tout le ciel.
Maurice Betz - 1921.

À un nuage qui bougeait au fond d'une mare
J'ai crié: Qui va là?
Il était loin déjà.
Maurice Betz - 1921.

L'obus en éclat
Fait jaillir du bouquet d'arbres
Un cercle d'oiseaux.
Georges Sabiron - 1918.

Des arrivages de chair,
Bien fraîche, toute préparée,
Pour cette nuit sont signalés.
Julien Vocance - 1917.

Enterré par l'obus,
Entendre, loin, crier:
Il est mort !
Maurice Gobin - 1917.

Je l'ai reçu dans la fesse,
Toi dans l'oeil.
Tu es un héros, moi guère.
Julien Vocance - 1916.

On le ramasse, mourant,
Et le major dit: «Foutu!»
Ses paupières s'ouvrent!
Maurice Gobin - 1917.

Hier sifflant aux oreilles,
Aujourd'hui dans le képi,
Demain dans la tête.
Julien Vocance - 1916.

Montmartre, tes lumières, tes femmes
Aux jambes tièdes et douces...
Depuis hier la pluie crépite sur la tente!
Maurice Betz - 1921.

Le jour de la victoire!
Un défilé de veuves et de bambins en noir,
Et la foule étouffant sous les airs triomphants...
Julien Vocance - 1917.

Tout le jour tu te lamentes, tu gémis...
De grâce, tais-toi
On ne te demande pas de donner ta vie...
Julien Vocance - 1917.
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*Japonisme : fin du XIXe – début du XXe siècle, influence de l’art japonais sur les artistes occidentaux.

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