Au début du XXe siècle, dans la foulée du japonisme*, il n’y a pas eu que Julien Vocance à s’être approprié le haïku pour décrire l’horreur de la Première Guerre mondiale. D’autres poètes, tels Georges Sabiron (1882-1918), décédé au combat, Maurice Gobin et Maurice Betz (1898-1946) ont, eux aussi, parlé de la guerre dans leurs haïkus :
Trou d'obus où cinq cadavres
Unis par les pieds rayonnent,
Lugubre étoile de mer.
Unis par les pieds rayonnent,
Lugubre étoile de mer.
Georges Sabiron - 1918.
Un trou d'obus
Dans son eau
A gardé tout le ciel.
Dans son eau
A gardé tout le ciel.
Maurice Betz - 1921.
À un nuage qui bougeait au fond d'une mare
J'ai crié: Qui va là?
Il était loin déjà.
J'ai crié: Qui va là?
Il était loin déjà.
Maurice Betz - 1921.
L'obus en éclat
Fait jaillir du bouquet d'arbres
Un cercle d'oiseaux.
Fait jaillir du bouquet d'arbres
Un cercle d'oiseaux.
Georges Sabiron - 1918.
Des arrivages de chair,
Bien fraîche, toute préparée,
Pour cette nuit sont signalés.
Bien fraîche, toute préparée,
Pour cette nuit sont signalés.
Julien Vocance - 1917.
Enterré par l'obus,
Entendre, loin, crier:
Il est mort !
Entendre, loin, crier:
Il est mort !
Maurice Gobin - 1917.
Je l'ai reçu dans la fesse,
Toi dans l'oeil.
Tu es un héros, moi guère.
Toi dans l'oeil.
Tu es un héros, moi guère.
Julien Vocance - 1916.
On le ramasse, mourant,
Et le major dit: «Foutu!»
Ses paupières s'ouvrent!
Et le major dit: «Foutu!»
Ses paupières s'ouvrent!
Maurice Gobin - 1917.
Hier sifflant aux oreilles,
Aujourd'hui dans le képi,
Demain dans la tête.
Aujourd'hui dans le képi,
Demain dans la tête.
Julien Vocance - 1916.
Montmartre, tes lumières, tes femmes
Aux jambes tièdes et douces...
Depuis hier la pluie crépite sur la tente!
Aux jambes tièdes et douces...
Depuis hier la pluie crépite sur la tente!
Maurice Betz - 1921.
Le jour de la victoire!
Un défilé de veuves et de bambins en noir,
Et la foule étouffant sous les airs triomphants...
Un défilé de veuves et de bambins en noir,
Et la foule étouffant sous les airs triomphants...
Julien Vocance - 1917.
Tout le jour tu te lamentes, tu gémis...
De grâce, tais-toi
On ne te demande pas de donner ta vie...
De grâce, tais-toi
On ne te demande pas de donner ta vie...
Julien Vocance - 1917.
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*Japonisme : fin du XIXe – début du XXe siècle, influence de l’art japonais sur les artistes occidentaux.
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