Bashô, universellement reconnu comme étant le père du haïku, a élaboré de son
vivant des principes, pour l’écriture de haïkus, qu’il appliquait à son école.
L’un de ces principes, le sabi, peut
se définir comme la conscience du passage du temps et de l’altération qui en
résulte, infligée aux êtres et aux choses. On fait ainsi référence à des
notions de vieillissement, d’usure. C’est ainsi qu’on parlera de la patine du
bronze, de la rouille du fer, de l’usure des ans, des lichens, du bois vermoulu,
des cheveux blancs, du déclin, du regret du temps passé, etc. Quelques
exemples :
Les gardiens des
fleurs
rapprochent en
devisant
leurs têtes
chenues
Kyoraï
Une courge
cireuse –
La forme de nos
visages
tout altérée
Bashô
la flopée de
mouches
échappe à ses
claques
ah! cette main
ridée
Issa
Rien ne bouge
Que le ciel d’été
Lichen sur les
pins
Shûson
Katô
Mes facultés
de discernement
cessent –
Fin de l’année
Bashô
Cette notion ne nous est pas étrangère. On connaît, en
poésie française, La Chanson d’automne de Verlaine (« Les sanglots longs des violons de l’automne… ») ou
encore Les Feuilles mortes de Prévert (« Les feuilles mortes se ramassent à la pelle,
Les souvenirs et les regrets aussi… ») ou encore, en poésie
québécoise, ce passage de La marche à l’amour
de Gaston Miron :
puis les années m’emportent sens dessus dessous
je m’en vais en délabre au bout de mon rouleau (…)
C’est aussi le poème Lassitude, de Rina Lasnier :
Lassitude, ô ma lassitude de vivre!
Plus lasse que toutes les lassitudes.
Plus lasse que la chair lasse de se meurtrir et d’aimer,
que la chair
opprimée d’un poids rebutant,
que la chair qui
lutte et impuissante se rend (…)
Pour aller
plus loin :
Bashô, Seigneur ermite. L’intégrale des haïkus,
La table ronde, 2012.
Henri
Brunel, Sages ou fous les haïkus?,
Calmann-Lévy, 2005.
Philippe
Costa, Petit manuel pour écrire des haïku,
Éditions Philippe Picquier, 2000.
William J. Higginson,
The Haiku Handbook, Kodansha
International, 1985.
Laurent
Mailhot et Pierre Nepveu, La poésie
québécoise, des origines à nos jours. Typo, 2007.
Texte et photo : ©️ Louise Vachon
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