mardi 29 mai 2018

Pourquoi j'aime le haïku?


 Parce que cette forme si brève et si simple rejette le superflu en se concentrant sur l’essentiel. On pourrait même dire, à la limite, qu’il chemine vers le néant lorsqu’il devient minimaliste. Même si on tente, autant que possible, d’éviter les rapprochements avec le zen, la démarche n’en demeure pas moins spirituelle, dans le sens où le dépouillement et le détachement président à sa création. Branché le plus souvent sur la nature, le haïku n’entretient pas nécessairement de rapport descriptif avec la réalité, mais permet d’aller plus loin, mettant parfois en évidence une symbolique, un élément esthétique, une atmosphère particulière, qui ne sont pas exposés explicitement à la lecture du haïku. Le haïku nous communique ainsi beaucoup plus de choses qu’il n’y paraît. Réussi, c’est le poème auquel on ne peut ajouter ou retrancher un seul mot. On va même jusqu’à dire qu’un bon haïku, lu à haute voix, ne devrait rencontrer que le silence chez l’auditeur. C’est sans doute ce que Roland Barthes, dans L’empire des signes, appelle « la vision sans commentaire ». Ce qui est aboli, ce n’est pas le sens, c’est la finalité : le haïku ne sert à aucun des usages concédés à la littérature, soit instruire, exprimer, distraire.

paru dans la revue Gong, juillet-septembre 2017, p. 5.

Image : Hiroshige, 1832. Source : The New York Public Library Digital Collection

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